Pendant longtemps, les ouvriers suisses étaient payés en « merci » et en « bravo ». Entretien avec un patron qui regrette ce « temps béni ».
En 1855, nous raconte Henri*, les ouvriers zurichois travaillent treize à quatorze heures1 par jour et ne passent pas leur temps à geindre comme des marmots. Mieux, affirme ce dernier, la plupart d’entre eux décèdent avant la fin du mois et le travail effectué n’a même pas besoin d’être rémunéré. De conclure : « C’était le paradis ! Pourtant, aujourd’hui les crypto-gauchistes léninistes viennent remettre en question cet ordre naturel des choses pour demander quoi ? Des revendications salariales ? Des congés payés ? Non mais j’hallucine ! ».
Non, Henri n’hallucine pas, car aujourd’hui, 1e mai 2021, les ouvriers et autres classes sociales plus indigentes les unes que les autres célèbrent partout en Suisse leur échec cuisant en matière de réussite économique. Elles défilent sur toutes les places capables d’accueillir leur masse aussi conséquente que leur défaite, celle-ci n’étant imputable qu’à eux-mêmes, étant entendu la possibilité de capter une partie plus ou moins grande du ruissellement économique de plus travailleurs qu’eux.
D’ajouter que la plèbe n’est pas franchement reconnaissante de l’humanisme de ceux qui la dirigent. En effet, en 18322, le patronat suisse introduisait le travail salarié. « Une grossière erreur », selon Henri, qui affirme que depuis lors, les ouvriers se sont mis à « tirer au cul » et à « prendre de plus en plus de pauses clopes » sans même remercier la grandeur d’âme de leurs supérieurs…
Aujourd’hui, de nombreuses élites se questionnent sur le bien-fondé de rémunérer leurs employés. Si la déliquescence des mœurs et les comportements décadents sont apparus – coïncidence… c’est cela oui ! – en même temps qu’on commençait à payer les ouvriers, la logique inverse devrait également s’appliquer : en supprimant le salariat, le peuple réapprendrait les vraies valeurs que sont le travail assidu et la dépossession de leur production pour permettre à quelqu’un de plus méritant, généalogiquement parlant, de jouir de plaisirs inconcevables pour l’entendement d’un ouvrier3. Une théorie à méditer sans doute.
La Rédaction.
*Nom d’emprunt, la haine anti-riches étant très prononcée dans ce pays, nous avons préféré ne pas vous révéler l’identité de Paul Bulcke, président de Nestlé depuis 2017.
1 : Source, https://hls-dhs-dss.ch/fr/articles/013910/2015-01-21/
2 : Date et chiffre totalement inventés par notre stagiaire qui avait la flemme de faire des recherches.
3 : Par exemple, des vacances à St-Barth’, la possession d’un chalet à Gstaad ou la dégustation de macarons.
Illustration : « Manifestation ‘Sauvez les riches’ – Des pauvres, il en faut ! [explored] » by DeGust is licensed under CC BY-NC-ND 2.0
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