Constance, Verte lib’ engagée dans l’économie circulaire responsable et responsabilisante de l’individu trie ses déchets depuis qu’elle sait que « ce sont les petits gestes qui font la différence ». Or, malgré ses nombreux reposts de contenu engagé sur Instagram, les feux de forêts ravagent toujours une partie du Péloponnèse et de l’Eubée.
« Alors ça c’est ma poubelle verte, ça c’est pour le verre et ça s’est pour le carton. Ici, comme dirait l’autre, rien ne se perd, rien ne se gâche, tout se transforme ! Venez ! Je vais vous montrer mes toilettes sèches à la sciure ! », jubile Constance, 27 ans, heureuse locataire d’un petit T2 en coopérative en plein centre de la ville de Genève. Constance fait partie de cette caste que d’aucuns appellent volontiers les bobos. Elle a étudié la géographie à l’Université de Genève, fait régulièrement ses courses auprès d’agriculteurs locaux et se fait livrer, en cargobike, des croquettes véganes pour son chat Fripouille, tous les premiers mardis du mois. Elle déguste volontiers des bières de micro-brasseries et ne s’habille plus qu’en fripes. Parfois, échange-t-elle également des vieux habits qu’elle ne porte plus contre de nouvelles pièces, lors de réunions prévues à cet effet. Sur le plan politique, c’est aux Vert-e-s libéraux qu’elle s’identifie, le seul parti, selon elle, à même d’apporter une réponse concrète à l’urgence climatique tout en maintenant un rythme soutenu de croissance économique. Elle lit parfois des romans de Guillaume Musso mais surtout des livres de développement personnel. Sa plus grande passion : le tarot. Elle tire bien volontiers les cartes à celui ou celle qui souhaiterait demander aux astres leurs avis sur le retour de l’être aimé ou le retour sur investissement de leurs trois mille balles investis dans une nouvelle crypto-monnaie qui ne manquera pas, à l’instar de toutes les autres, de « percer ».
Récemment, Constance s’est insurgée contre les feux de forêts qui ravagent le monde sous à peu près toutes ses latitudes. Elle a lancé un compte Instagram intitulé « GreeceIsBurning » illustré par l’une de ses amies sur le point d’achever son master en design graphique à la HEAD et complété par des photographies de locaux qui lui transmettent bénévolement leurs clichés. L’objectif est de récolter des fonds pour financer des bèches qui serviront aux pompiers afin de creuser des rigoles, des tranchées et des trous destinés à contenir les flammes. Constance est en effet persuadée que « chacun peut agir, à son échelle, à sa manière, dans la lutte contre le réchauffement climatique ». D’ajouter que « nous sommes tous responsables vis-à-vis de la Terre ». L’écologie, en effet, demanderait un effort permanent, autant des particuliers que des entreprises, ces dernières étant néanmoins bien moins responsables des malheurs environnementaux que ne le sont les ignobles personnes qui oublient de séparer l’alu du carton de leur brique de lait de soja ! Bref, la détermination de Constance, son refus de l’inaction, son hostilité contre l’indifférence ne peut que forcer le respect.
Mais Constance a également ses moments de faiblesse : « Parfois je commande deux-trois trucs sur Zalando ou sur Wish quand je vois une pub Insta et puis j’aime bien aller à Berlin. J’vais en avion parce que pour le week-end c’est un peu long en train… Je pense que ça ne fait pas de moi quelqu’un de mauvais, au contraire, mais quelqu’un qui possède une part faillible, une certaine sensibilité. Et puis, pour compenser, je donne au WWF, à Amnesty et je fais quelques heures de bénévolat au Centre Social Protestant ». Une telle sincérité ne peut, en somme, que susciter notre adhésion et notre compréhension, surtout que nous, par exemple, on ne sait jamais si l’on doit jeter l’enfant avec l’eau du bain ou simplement l’eau du bain sans l’enfant.
La Rédaction.
Illustration: “Feu de forêt” by Christian Bachellier is licensed under CC BY-NC-ND 2.0
