Genève

Il réussit sa maturité et rate sa vocation de contrôleur TPG

Si le petit Matthieu avait un rêve étant enfant, c’était bien de briser celui des resquilleurs. Depuis son plus jeune âge en effet, il nourrissait l’espoir d’intégrer les brigades oranges des contrôleurs TPG ; ces équipes d’êtres charmants et toujours aimables pour qui distribuer des amendes est à la fois une passion et un passe-temps. 

C’est ainsi qu’en vue de sa préparation à rejoindre l’élite des contrôleurs, Matthieu n’a jamais consacré plus de quelques minutes hebdomadaires à réviser ses cours de mathématiques ennuyants ; à plancher sur des formules de chimies obscures ou encore à dévorer les vieux livres poussiéreux qui lui sont imposés. L’essentiel de son temps, alors, il le passe dans les TPG à feindre l’oubli de son ticket pour attirer l’attention de ceux qu’il admire et leur poser des questions sans jamais dévoiler le fond de ses intentions. Et malgré les insultes que ceux-ci adressent à son endroit, rien ne décourage Matthieu dans sa quête pour rejoindre un métier si complexe qu’il n’est référencé dans aucune base de données suisse de l’emploi. C’est dire ! De jours en jours, Matthieu parvient ainsi à glaner des informations quant aux habitudes de ces travailleurs de l’extrême confrontés quotidiennement à une myriade d’individus hétéroclites. Il est séduit. Pour lui, l’emploi ne doit pas être morne et routinier mais pavé d’aventures. Dans le cas des contrôleurs TPG, l’aventure est omniprésente. Qu’il s’agisse de crachats en période de coronavirus ou de courses poursuites effrénées pour rattraper un resquilleur, la palette d’actions est infinie surtout quand on connait l’ingéniosité des free riders pour passer au travers des mailles du filet tendu par nos héros du contrôle de tickets. 

Or, les parents de Matthieu n’entendent pas son avenir de cette oreille et veulent qu’il « réussisse » selon la conception communément acceptée que le succès, dans la vie, dépend du niveau d’études. Ils l’obligent pour cela à fréquenter le collège de Genève où il ne pipe pas un mot de ce qui s’y fait, ni de ce qui est dit. Pour dire : il répond à toutes les interrogations au hasard, sauf que le hasard fait bien les choses et Matthieu se retrouve propulsé en dernière année sans voir le temps passer, tant il est occupé à s’informer sur les us et coutumes des contrôleurs TPG. Enfin, il décroche sans peine sa maturité gymnasiale. Tout le monde voit en lui un génie et des recruteurs du MIT – Massachusetts Institue of Technology – viennent le démarcher, lui proposant une bourse d’étude ainsi qu’un salaire de conseiller d’État en disgrâce pour s’envoler vers Cambridge. Ses parents acceptent sans même le consulter. Le rêve est brisé. Et le petit Matthieu est condamné à l’obscurité des laboratoires plutôt que de briller dans le contrôle des malhonnêtes gens de la cité de Calvin. 

La Rédaction. 

Illustration : “TPG Tram Bombardier Cityrunner Be 6/8 863” by FlugZüge is licensed under CC BY-SA 2.0

Leave a Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*