Economie

L’Université de Genève abandonne la pensée complexe, jugée « trop chronophage » eu égards aux exigences du marché de l’emploi

A la place, les étudiant-e-s auront le choix entre des formules universitaires plus professionnalisantes à l’instar de formations en vente de formations online ou en dropshipping.

Comment dealer avec un marché de l’emploi qui n’en peut plus de voir surgir, chaque année que Dieu fait, une horde de nouveaux diplômés rompus aux idées crypto-gauchistes, lesquels peuvent réciter Le Manifeste par cœur mais son incapables de moudre quelques grains de café qui finiront dans la tasse de leurs patrons habités de la certitude absolue que ce n’est pas la quantité de savoir brut présent dans la tête de nos chères têtes blondes, mais la somme de copecks inscrits à leur relevé annuel, qui fait un Homme ? C’est la question que s’est posée le rectorat de l’Université de Genève sous la pression des milieux patronaux. Autrement formulée : comment fabriquer des cerveaux qui servent plutôt que des cerveaux qui pensent à n’en plus finir de boire des gin tonic, carburant de leurs élucubrations d’humains soudains frappés par la grâce ? 

Or, la réponse a été trouvée hier soir, lors d’un comité exécutif réunissant pas moins de dix cinquantenaires en costumes trois pièces engoncés dans leurs cravates comme une crotte de chat constipé qui dépasserait d’un cul aussi sec et étriqué que leurs idées : il faut supprimer la pensée complexe de l’Université et en revenir à des savoirs simples mais efficaces. En effet, les étudiant-e-s qui sortiraient des départements de psychologie, sociologie, sciences politiques ou – pire – d’études genres seraient « complètement perchés » et « dans une incapacité crasse de se fondre dans la masse » ou de « préparer un bon café à leurs supérieurs ». Pire, ils demanderaient parfois d’être traités avec respect et qu’on écoute ce qu’ils ont à dire. Quelle audace !

Ainsi, plusieurs bureaucrates seraient en train de plancher sur le meilleur moyen de réformer les programmes universitaires auxquels sont soumis ces têtes bien pleines mais pas assez bien faites, comme dirait le professeur de français dans les Sous-doués, plagié, quelques années plus tard, par ce cancre de Michel de Montaigne. Plusieurs alternatives aux traditionnelles lectures d’Émile Durkheim, de Simone de Beauvoir ou de Léon Trotski auraient ainsi été trouvées parmi lesquelles l’étude des pyramides de Ponzi, de plateformes d’intermédiaires inutiles ou le montage d’un business en dropshipping. Les chargés de réforme proposent également de renommer la plupart des diplômes en sciences aussi molles que la trique de DSK lorsqu’il n’ingurgite pas de viagra. Ainsi, le bachelor en sciences politiques sera vraisemblablement renommé bachelor Wikipédia, puisqu’il s’agit de fouiller sur l’encyclopédie libre afin de connaître les détails du conflit israélo-palestinien. 

Mais le progrès ne s’arrêtant jamais, l’Université proposera des stages professionnalisants dans des usines partenaires tels que Foxcon en Chine ou ArcelorMittal en Inde. Les banques elles aussi se sont prêtées au jeu : elles offriront à environ cent jeunes chanceux ou chanceuses la possibilité de se former dans le service ou la restauration de leurs patrons. Un geste qui, comme le rappelle Paul Bulcke – ndlr : patron de Nestlé – « devrait être récompensé par des possibilités de défiscalisation offertes par l’État ».  

La Rédaction. 

Illustration : “Université de Genève” by Karim von Orelli is licensed under CC BY-NC-ND 2.0

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