Incapable de reconnaître les différentes parties d’un arbre, un homme épris de Liberté a été reconnu incapable de discernement.
Jean-Yves* s’était pourtant levé du bon pied ce matin. Il s’était d’abord rendu aux toilettes évacuer les trois litres de Moët & Chandon descendu la veille en compagnie d’un ami investisseur ; il s’était ensuite préparé – sa bonne étant en vacances – et servi lui-même du café en provenance d’Éthiopie, ce qui n’avait du reste pas manqué de l’irriter mais n’avait cependant pas gâché – car à chaque jour suffit la peine de manquer de petites mains pour effectuer les basses besognes – ce beau début de journée où, pouvait-il voir à travers sa baie vitrée surplombant une anfractuosité lui offrant une vue sans nulle autre pareil sur la masse plébéienne d’ores et déjà affairée à ne rien faire, il fut plus tard victime d’une mésaventure sans commune mesure avec les difficultés qui l’assaillent d’ordinaire.
En effet, alors que, sur le coup des dix heures, il naviguait sur le web à la recherche d’un nouveau canapé où il pût poser son éminent fessier une fois ses responsabilités d’entrepreneur exercées, Jean-Yves tomba, au moment de passer à la caisse, sur ce qu’il est commun d’appeler un CAPTCHA. Un CAPTCAH est une famille de tests de Turing permettant de différencier de manière automatisée un utilisateur humain d’un ordinateur, nous apprend Wikipédia. Il consiste en un test défi-réponse où le plus souvent il s’agit de repérer des éléments comme une bouche d’incendie, des voitures, ou Xavier Dupont de Ligonnès sur une photographie prise à l’aide du Nokia 3510 de tante Huguette ; or parfois s’agit-il aussi de noter l’absence de certains éléments sur une image, à l’instar d’intelligence sur un cliché immortalisé lors de la Soirée d’été du Jeune Barreau. Quoi qu’il en soit, toujours les humains parviennent-ils, non sans une ostensible exaspération manifestée à l’aide d’un râle ou d’une insulte à l’endroit du CAPTCHA, à surmonter cet obstacle. Ce ne fut cependant pas le cas de Jean-Yves qui, tant il pesta contre la grille au sein de laquelle il devait cliquer pour identifier les différentes composantes d’un arbre, alerta Joséphine, sa voisine de palier, laquelle appela la police dont on sait qu’elle se rend plus rapidement dans les quartiers riches que dans les banlieues frappées de misère. Lorsque celle-ci arriva, Jean-Yves ne manqua pas, lui qui avait fait de l’Aïkido, de décharger son mécontentement sur les agents. Tuméfiés mais ne démordant pas pour autant de leur calme légendaire, ces derniers s’informèrent alors des causes du mécontentement de Jean-Yves qui vida son sac…
Notre Rédaction n’en sait pas plus des évènements qui s’ensuivirent… En revanche, elle sait qu’une décision de justice a déclaré, plus tard dans la journée, que Jean-Yves était incapable de discernement en raison de son affiliation au Parti libéral-radical. Eh oui, normalement une tête bien faite reconnaît un arbre lorsqu’elle en voit un. Tandis qu’une tête bien pleine d’inepties associant des idées antithétiques comme l’écologie et le marché s’échine à voir en l’arbre sa prochaine commode Maisons du Monde.
La Rédaction.
*Nom d’emprunt, même si tout le monde sait pertinemment que le personnage qui se cache derrière cette mésaventure se prénomme Philippe ; de nom Nantermod.
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