Gold, platine, ivoire ou bien tout juste dérobée à un touriste chinois dont le regard insistant en direction du Cervin l’aura détourné de ses poches, toutes les cartes de crédit sont bonnes à prendre pour les machines helvétiques.
Le Cervin n’a pas bougé, les gens vont et viennent sur les remontées mécaniques dans une atmosphère éthérée par le gel hydro-alcoolique et l’alcool qui coulent à flot avant de s’évaporer. Nous sommes à Zermatt avec notre reporter, lequel vient de s’offrir une tenue de ski toute neuve pour la modique somme de mille cinq-cents nouveaux francs fraîchement dérobés à un touriste asiatique. Les nombreuses pistes dammées feraient presque oublier les montants astronomiques déboursés par les « pigeons de la plaine » pour s’offrir quelques instants de bonheur dans le marasme économique, social et sanitaire que leur offre gratuitement le coronavirus.
La joie et la bonne humeur, somme toute, quand soudain surgit, au détour de notre canard laqué et des pinces de homard que nous dégustons accotés au bar de l’hôtel, un groom dont le regarde vide n’est de loin pas dissimilaire à celui d’un jeune raveur dont l’after n’a que trop duré. Sans doute poursuit-il un but que nous ignorons. Celui-ci passe son chemin mais revient quelques instants plus tard d’un pas hésitant. Bizarre ce type, pensé-je, d’autant qu’il semble s’avancer vers notre table tout en se frottant les deux mains d’un air gêné. « Puis-je vous aider ? », nous adresse-t-il arrivé à notre hauteur mais respectant les règles de distanciation sociale ? Ce sur quoi je m’empresse de répondre, rustre comme un Genevois de la campagne dont je viens et dont je suis également fier : « Qu’est qu’il veut le pingouin ? ». « Je venais aimablement vous proposer mes services », répète-t-il comme si on ne l’avait pas entendu auparavant… « Et bah tu vois bien qu’on mange abruti ! », dis-je d’un ton bourru, le regard aussi torve et menaçant que Pierre Maudet lorsqu’il s’apprête à pousser l’un de ses collaborateurs au burnout. « Maintenant dégage ! », conclus-je gentiment. « N’hésitez pas si vous avez besoin de quelque chose », dit-il en esquissant une révérence avant de se retirer, se fendant d’un sourire derrière lequel on peut aisément lire qu’il aimerait bien, à ce moment, n’avoir pas cédé son FASS 90 contre la cousine de son voisin. « Range ta carte de crédit ! », me lance alors collègue et ami reporter. Je comprends alors qu’une carte platine suscite bien plus d’émoi que le spectacle des miséreux que l’on voit mourir de faim ou qu’une rupture des ligaments croisés qui sont, somme toute, chose courante à la montagne. Quoique, la carte platine…
La Rédaction.
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