« Ah non Michel, moi je m’entends bien avec mon propriétaire ». Ces mots, qui peuvent choquer les plus sensibles, ont été prononcés tard jeudi soir dans un bar lausannois. Une enquête a évidemment été ouverte, car cette phrase suspecte, lancée en public, n’a rien d’anodine.
Le suspect, un trentenaire d’une quarantaine d’année, blanc, cisgenre, vraisemblablement hétérosexuel, et titulaire d’un certificat covid, aurait été surpris en pleine conversation avec le dénommé Michel*.
Dans un échange sur le caractère satanique ou non des propriétaires immobiliers, il aurait alors défendu la position selon laquelle « il ne faut pas généraliser, il y en a des biens », avant de citer son propre cas en exemple.
Hélas, si de telles positions pourraient être défendables au niveau quantique, le commun des mortels n’est pas prêt pour ce genre de saillies. Ce qui fut le cas de la serveuse de ce soir-là, Clara, qui à notre micro déclara : « Quand j’ai entendu ça, j’ai ressenti des frissons dans tout le corps. Moi-même, j’ai découvert des punaises de lit dans mon appartement. Après des semaines et des semaines d’enquête, il s’est avéré que le propriétaire de l’immeuble les avait déposées lui-même sur chacun des paillassons. Tout cela pour un retard de 4 francs 30 sur mon loyer. Heureusement qu’un gosse filmait ses vidéos TikTok dans l’allée, sinon nous n’aurions jamais eu gain de cause… ».
Même type d’histoire pour Adrien, 27 ans, et pourtant déjà heureux propriétaire de deux cirrhoses du foie, qui a « galéré sa mère » durant toutes ses études pour ne pas se faire expulser de sa colocation. « J’ai été viré de mon travail à la Coop Pronto, et j’avais deux mois de retard sur le loyer », raconte-t-il. « Alors oui, les fellations au proprio, ça va un moment, mais lorsque le chauffage ne marche pas dans tout l’immeuble et que vous devez allumer un feu de camp au milieu du salon pour ne pas crever de froid l’hiver, elles ont quand même un goût particulièrement amer. ».
Le point de vue de Michel, notre poivrot, reste donc très marginal au sein de la communauté des experts en bâtiments qu’ils ne possèdent pas. Ceux qui pensent comme lui que les locataires n’ont pas travaillé assez dur dans la vie ou que leur jalousie crasse les empêche de souscrire non pas un abonnement à la chaîne Youtube de Carlito et McFly mais un prêt auprès d’une institution bancaire de renom pour s’acheter, après déduction des charges sociales, des impôts et de la sauce spaghetti du petit dernier, un petit lopin de terre pas tant mérité ; ceux-là sont bien peu nombreux face à la bruyante majorité qui déverse tout haut comme tout bas son venin anti-riches. Leur point de vue pourrait d’ailleurs se résumer dans l’adage du fantôme de Jacques Brel, contacté via Pentagram – une nouvelle application smartphone pour invoquer les esprits – vous ne connaissiez pas ? Losers. – : « Les proprios, c’est comme les cochons, plus ça devient vieux (et riche), plus ça devient con ».
La Rédaction.
*nom parfaitement inconnu de la Rédaction
Illustration: « Tabac PMU » by ludovicsarrazin is licensed under CC BY 2.0
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