Un matelas gonflable et des livraisons de Colis du Cœur « à domicile », c’est la moindre des choses pour nos pauvres qui dorment, souvent bercés d’un froid glacial, sous des ponts mal éclairés et dangereux de la république et canton de Genève.
On était habitué à voir rôder les inspecteurs de la Cour des Comptes dans des couloirs aussi gris et sordides que leurs costumes trois pièces bons marchés achetés au rabais durant les soldes annuelles de Zara. Et bien cette fois-ci, la bande de fouineurs a retroussé ses manches et enfilé son plus beau bleu de travail pour se rendre au contact des précaires et évaluer leur quotidien. Ils ont ainsi passé plus d’une semaine dans les mêmes conditions que les habitants du Pont Sous-Terre pour : « Se donner une idée des difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés ses gens-là », rapporte un inspecteur encore tout chamboulé de la semaine qu’il vient de passer en compagnie des personnages les plus infâmes de la République. D’ajouter : « Je m’en vais dès à présent produire un rapport complet sur les conditions minables dans lesquelles vivent ces personnes ! Vous aurez de mes nouvelles ! ».
Une semaine plus tard, le verdict tombe. La situation est alarmante ; presque aussi préoccupante que les milliers de personnes qui font régulièrement la queue devant les divers points de collecte des Colis du Cœur afin d’y acquérir quelques sachets de pâtes et une bonne sauce tomate, qui, paradoxe sans doute, provient certainement de l’une des régions qu’ils ont quitté pour tenter leur chance dans la cité de Calvin. Mais là n’est pas l’objet du rapport. Celui-ci met en avant les conditions de vie déplorables et semblables à celles du camp de la Moria, en Grèce, rencontrées par les individus n’ayant pas les moyens de s’offrir gîte et couvert. Des enfants dormant à même le sol sans matelas gonflables, une famine persistante à peine comblée par les repas fournis gratuitement par les associations genevoises de lutte contre la pauvreté. Et ce ne sont là que deux exemples parmi les myriades de difficultés rencontrées par ces gens qui ne disposent ni d’un capital social, financier ou symbolique suffisant pour tirer leur épingle du jeu et acquérir ce genre de véhicule haut de gamme qui fait le bonheur des uns tandis que cinquante autres enfants zimbabwéen sont décédés pour extraire le coltane destiné aux circuits intégrés de la tablette tactile de votre tableau de bord.
Le rapport exhorte le conseil d’État de prendre des mesures fortes et concrètes pour diminuer la souffrance de ceux qui gisent, pour certains élus, juste en-dessous de leurs fenêtres. Magnanime, celui-ci s’est d’ores et déjà penché sur la problématique. Ainsi, la retenue salariale à hauteur de 1% qui devait affecter les fonctionnaires sera rétribuée aux précaires sous forme de bons d’achat pour des matelas gonflables ou des bons alimentaires à faire valoir chez Nestlé, à Vevey. Les CFF et les transports publics ont également donné un signal « fort » en proposant la gratuité pour tous les usagers qui auront « l’air d’une personne précaire », à savoir tous ceux dont l’odeur pourrait rappeler celle d’un camembert bien affiné ou qui pourront justifier, en montrant par exemple leur carte d’étudiant, un statut défavorisé.
Quant à une meilleure redistribution des richesses, le conseil d’État s’est exprimé sur la question en disant que, s’ils étaient dans une telle situation, ces gens devaient bien y être pour quelque chose. Ceci étant, ce n’était pas à lui d’empêcher les honnêtes banquiers d’utiliser leurs jet skis sur le Lac de Genève pour le petit confort de ces branleurs.
La Rédaction.
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