Economie

Selon economiesuisse, les apprentis devraient déjà s’estimer heureux d’avoir un emploi

Les payer serait un geste surérogatoire qui devrait donc être laissé à la discrétion de leur employeur.

Apprenti dans la restauration depuis six mois, Jean-Maxime se débrouille déjà comme un chef puisqu’il fait déjà tout le travail que celui qui se fait appeler comme tel était censé, justement, lui apprendre à faire. Dès cinq heures du matin, tandis que son supérieur, avachi sur une chaise qu’il n’a plus quitté depuis son engagement, roupille encore, c’est en effet Jean-Maxime qui réceptionne les produits frais et qui se rend auprès des pêcheurs afin d’acquérir les poissons qu’il cuisinera le midi. À sept, c’est Jean-Maxime qui commence les préparatifs du service. Le soir, rebelotte, jusqu’à minuit, six jours par semaine mais aussi les jours fériés. À 18 ans, Jean-Maxime est donc, pour ainsi dire, le chef d’un petit restaurant d’une quarantaine de couverts sis sur les hauteurs de Montreux. Pourtant, celui-ci ne perçoit pour tout salaire que la moitié des pourboires, lesquels sont partagés équitablement selon la règle dite « des 95-5 » entre lui et son patron, la serveuse ne fournissant pas un travail « assez qualitatif » pour bénéficier des 1% qui lui reviendraient de droit, juge son chef. 

Tout comme Jean-Maxime, ils sont des milliers les apprentis·es qui ne sont pas rémunérés ou simplement défrayés pour leurs 45 à 60 heures – minimum – passées à travailler dans des entreprises hétéroclites sous la férule de patrons souvent ignobles, ingrats voire la plupart du temps les deux en même temps. « Une situation on ne peut plus normale », souligne la faîtière d’une « économie suisse axée sur la concurrence, interconnectée à l’échelle internationale et consciente de ses responsabilités », economiesuisse. « Vous croyiez qu’on était en France et qu’il existait ici un droit du travail ici !? Le code des obligations vous dîtes !? Laissez-nous rire ! Ici on négocie au cas par cas, à savoir par branche, afin qu’aucun collectif de travailleur ne soit assez grand pour faire plier le patronat », ajoute son porte-parole qui, du reste, précise que « dans la conjoncture actuelle, les apprentis* doivent déjà s’estimer heureux d’avoir un emploi » et que « s’ils ne sont pas contents, ils n’ont qu’à aller voir ailleurs si un entrepreneur qui entreprend veut bien leur faire l’honneur de leur adresser la parole » – ce faisant verront-ils alors que ces derniers sont, le plus souvent, des gens hautains et suffisants qui ne s’intéressent à autrui que pour autant qu’ils puissent en tirer un quelconque bénéfice. 

Voilà donc qui règle la question de savoir s’il faut accorder, comme le veulent les jeunes socialistes bolcheviko-marxistes-léninistes, au moins 1’000 francs par mois à tous les apprentis du pays. Du point de vue patronal : bien sûr que non. Reste maintenant à demander aux principaux concernés par cette amélioration substantielle de la dimension pécuniaire de leurs conditions de travail ce qu’ils en pensent, non ? 

La Rédaction. 

*Rien n’est précisé au sujet des apprentiEs qui, certes, moins nombreuses, ne tombent de fait pas sous le coup des propos du porte-parole d’economiesuisse vraisemblablement ivre ou, à tout le moins, désorienté au moment où il les a prononcés.

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