Julie ne savait pas que, passé trente ans, elle aurait tant de mal à se remettre de sa soirée du Paléo de mardi dernier.
Alors que s’est terminée hier la 47e édition du très demandé – enfin, surtout pour les gens friqués sans personnalité aucune – Paléo festival de Nyon, nombreux·ses sont les trentenaires qui, comme Julie ou Ulysse, ont fait un bon voyage sans toutefois parvenir à s’en remettre, même après une semaine de cure détox à l’eau citronnée et au yuzu. Voici l’histoire de cette dernière :
Tout commence lorsque Julie acquiert, au prix de nombreuses heures de patience dans une file d’attente online, son billet pour la soirée du mardi du Paléo festival. Celle-ci en a informé préalablement son banquier qui, de race canine cependant qu’il est encore subrepticement envahi par quelques sentiments humains, l’autorise à se mettre à découvert pour acheter un précieux sésame. Il faut dire que lui aussi s’y rendra, et ce à plusieurs reprises durant la semaine. Il comprend donc l’exaltation ressentie par Julie qui lui justifie tout de même son acte d’achat par son irrésistible envie d’écouter la performance du fameux Marc Prépus. Le 29 mars 2023, elle est donc l’une des 200’000 personnes uniques et originales qui obtiennent un billet pour le Paléo. Dès lors n’aura-t-elle de cesse d’y penser et de s’en réjouir, jusqu’à ce que, le 18 juillet 2023, comme chaque année depuis dix ans, elle foule aux environs de trois heures de l’après-midi la Plaine de l’Asse. L’envahit alors une grande dose d’excitation : cela lui donne faim. Elle se permet alors un premier hamburger accompagné d’une grande frite. Trente-cinq francs. Comme il fait chaud et qu’il faut s’hydrater, elle accompagne ses agapes d’une bière, qu’elle offre du reste à ses copines qui la suivent aujourd’hui. Deux cents francs au total. « Tant pis ! », se dit-elle, son banquier comprendra et ce d’autant plus qu’elle le croise, un peu plus tard, complètement jeté et en train d’offrir une énième tournée de shot à son boys club. Il n’est même pas six heures de l’après-midi. À cette heure-ci, Julie n’en est qu’à son troisième demi-litre de bière. La sagesse, acquise avec l’âge ainsi que la chaleur, l’incitent également à boire de l’eau, ce qu’elle ne faisait pas, du reste, il y a dix ans. Il y a dix ans, c’eut été « triché », comme disaient ses amis. Tel est cependant le fléau de l’âge, qui oblige les plus braves d’entre-nous à se détourner quelques instants de la canette pour descendre discrètement quelques gorgées d’eau. On ne nous ôtera pas l’idée qu’il y a dans l’eau un goût étrange qu’on ne retrouve pas dans une 1664 ! Mais c’est un autre débat, mettons-le de côté pour plus tard.
La dernière chose dont se souvient Julie est d’avoir écrabouillé sa dernière canette de PG sur la tête d’un type qui en avait après l’une de ses amies, au milieu d’un concert. Bien que prévenu par quelques regards Revolver ostensiblement jetés dans sa direction ainsi que par une rapide échange évoquant l’inintérêt de cette dernière pour son engeance, l’odieux personnage affublé d’un débardeur imbibé d’alcool et de transpiration insiste pour se frotter à sa camarade. D’une trempe à ne pas laisser ses potes se faire emmerder, Julie n’hésite alors pas une seule seconde à sacrifier sa dernière boisson pour lui venir en aide. Bilan : l’homme s’énerve, un tiers intervient pour empêcher le début d’une bagarre et c’est finalement la sécurité qui le raccompagne à la sortie. Le mieux reste encore à venir…
C’est sur le coup des quinze heures du matin que Julie se réveille saine et sauve, dans son lit. Que s’est-il passé juste après l’altercation ? Elle n’en sait rien. Tout ce dont elle a envie, d’ailleurs, c’est d’assassiner le type qui joue du marteau piqueur dans sa tête ainsi que le tromboniste qui lui siffle directement dans l’oreille droite. Il ne lui faut pas moins de cinq minutes pour rassembler tout son courage et se lever. Elle se rend alors en titubant dans dans la cuisine, où elle se sert un grand verre d’eau qu’elle agrémentera, quelques secondes plus tard, d’un Dafalgan. Non, deux. C’est alors qu’elle reçoit un SMS. Un pote à elle peut la faire entrer gratuitement au Paléo ce soir. Il faut qu’elle lui confirme sa venue dans les cinq prochaines minutes, sans quoi le billet ira à quelqu’un d’autre. « Merci mais laisse tomber. Je n’ai plus vingt ans », lui répond-elle tandis qu’elle retourne se coucher jusqu’à la semaine prochaine.
La Rédaction.
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