Genève

Un employé de banque découvre la présence d’autres êtres humains dans son open space

Dix ans à travailler dans son pré carré sans jamais lever la tête pour considérer autre chose que son nombril. Dix ans durant lesquels il ne s’est aperçu de rien…

Voici bientôt dix ans que Marcus Stämpfli travaille dans la deuxième banque de Suisse, place Bel-Air 2 à Genève. Durant ses années de service dédiées à l’achat de produits dérivés de type spéculation sur le décès des grands-mères dans le New Hampshire, Marcus en a vu des inepties dont la dernière en date fut sans doute une horde d’islamo-gauchistes tondeurs de bonnes femmes en manteau de fourrure s’infiltrant dans l’une des succursales de son organisation tandis qu’il rendait visite à une amante travaillant au même endroit. Bien qu’il fût pacifiste – mais surtout parce qu’il n’a jamais eu à en coller une à quelqu’un puisque Marcus vient d’une bonne famille et que son garde du corps a toujours été là pour ça – il n’hésita alors pas à sauter sur le plus faible des hippies en train de se taper une partie de tennis, et ce pour montrer que lui aussi pût être viril malgré l’idée qu’on se fait généralement des hommes blancs cisgenre en costume trois pièces. 

Mais là n’est pas où nous voulons en venir. En effet, Marcus a récemment été témoin d’un phénomène étrange, à savoir la présence d’autres êtres humains de son bureau dont il se rend compte à présent qu’il s’agit plutôt d’un open space eu égards aux myriades d’individus androïdes en effervescence constante tout autour de ce qu’il s’est aperçu être son box. Ainsi, une femme stéatopyge occupe une place adjacente à la sienne. Elle aime tout particulièrement jouer à Candy Crush. Un petit homme chauve au nez aquilin et aux costumes bien trop amples occupe une place en face de la sienne. Il aime consulter le dark web et aimerait, vraisemblablement, se procurer une AK-47, peut-être pour en finir avec le bruit ambiant qui règne dans la gigantesque pièce séparée par quelques cloisons en papier mâchés qui inhibent, certes, les relations sociales, mais pas l’atmosphère pesante de l’endroit.

Passé la surprise de cette découverte, Marcus eut l’impression d’être un aventurier dans la forêt tropicale papoue ; Malinowski dans la jungle à observer mais surtout donner des conseils de civilisation à cette masse grouillante comme une horde de fourmis affairée à la tâche, tâche de fourmilière puisque chacun semble ne pas s’apercevoir de l’existence des autres, tout comme lui ne s’était pas aperçu, dix années durant, de l’existence de ceux qu’il nomme à présent ses collègues. Un mal pour un bien sans doute parce que tous lui ressemblent, se dit-il intérieurement, et lui n’irait jamais se parler tellement les banalités usuelles qu’il dégoise à tire-larigot lui semblent d’une platitude aussi certaine que les cerveaux des platistes. 

De toute façon – petit clin d’œil à qui vous savez – il y a plus d’humanité dans l’œil d’un chien quand il remue la queue que dans la queue d’un banquier lorsqu’il la remue chez les prostituées.

La Rédaction. 

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