N’y comprenant rien, n’ayant pas le temps de réfléchir à propos de questions alambiquées et formulées dans un français bien trop châtié, les Genevois auraient tendance à laisser trainer leurs bulletins de vote sur les tables de coloriages de leurs enfants. Reportage.
C’est chez Jacky que nous nous retrouvons dimanche dernier, autour de la table et d’une bonne tarte aux pruneaux maison issue des restes du jeûne genevois. La maîtresse de maison s’affaire dans le salon avec les enfants tandis que le patriarche nous raconte la manière dont il découvre trimestriellement les étonnants objets soumis à son jugement, lui qui ne sait pas trier son linge, ignore comment lancer un lave-vaisselle et connaît à peine les horaires d’ouverture de la Migros son quartier.
Pourtant, on demande régulièrement à Jacky sa double expertise – car il vote aussi pour sa femme, laquelle n’a pas voix au chapitre dans le nid conjugal – de se prononcer sur des questions comme la « modification de la loi sur les allocations pour perte de gain » ou bien sur la péréquation financière de la Confédération. Péréquation…. Mot qui, comme tant d’autres fait défaut au vocabulaire de notre Jacky national, lequel peut, au contraire, décrire l’anatomie parfaite et détaillée des moteurs de voiture mais n’est pas fichu de réaliser une recherche sur Google pour trouver la signification d’un terme pourtant usité dans le pays de l’évasion fiscale où il faut redistribuer les recettes afin que celles-ci rééquilibrent les sorties régulières d’argent liquide investi dans des enfants se rendant utiles à la tâches de produire des chaussures trop chères eu égard à leur piètre qualité.
Les enfants justement, chez Jacky, ce sont eux qui gèrent les questions électorales. Freddy, 3 ans, nous explique entre deux coloriages : « Mon père est complètement con. Bien avant ma naissance il confiait ses bulletins de vote au Maire en échange de quelques tickets restaurants au PMU du coin. Celui-ci votait pour toute la commune ou presque. Mais lorsque je suis arrivé, j’ai d’emblée redressé la situation en me présentant aux élections. Élu, j’ai tenté de mettre en place des programmes pour sensibiliser et éduquer notre population au vote, mais rien n’y a fait… Les mecs préfèrent aller se tirer des bières et les femmes n’osent en aucune cas la ramener sur des objets qu’elles considèrent encore comme étant de l’acabit des hommes ».
Mon père est complètement con. Bien avant ma naissance il confiait ses bulletins de vote au Maire en échange de quelques tickets restaurants au PMU du coin. Celui-ci votait pour toute la commune ou presque. Mais lorsque je suis arrivé, j’ai d’emblée redressé la situation en me présentant aux élections. Élu, j’ai tenté de mettre en place des programmes pour sensibiliser et éduquer notre population au vote, mais rien n’y a fait…
Avec sa sœur, Jacky remplit donc les bulletins de ses parents entre deux coloriages. A ce sujet, ils se rendent compte qu’il vaut mieux allonger le congé paternité de leur père plutôt que d’acheter des gros avions tuning qui n’auront d’effet que sur les Valaisans fans de Subaru Impreza.
Dans le foyer de Jacky, les enfants ont plus d’expertise que leurs parents. En même temps, ils ont peut-être un regard sur l’avenir moins amputé que ces derniers.
La Rédaction.
